Relisant ces pages, je m'aper?ois que j'ai déjà oublié beaucoup de scènes et de faits. Il me semble même que ce n'est pas moi qui les ai transcrits. Ce sont comme des traces de temps et d'histoire, des fragments du texte que nous écrivons tous rien qu'en vivant. Pourtant, je sais aussi que dans les notations de cette vie extérieure, plus que dans un journal intime, se dessinent ma propre histoire et les figures de ma ressemblance.
Après Journal du dehors, des petits riens de l'existence (de 1985 à 1992) couchés sans maniérisme, La Vie extérieure (1993-1999) peut être considérée comme une suite, avec les mêmes fragments de réalité sèche. Il s'agit à nouveau de notes, plus qu'un journal intime, qui présentent des scènes de la vie de tous les jours "comme des traces de temps et d'histoire, des fragments du texte que nous écrivons tous rien qu'en vivant".
Sculpté dans le réel, le texte commence en avril 1993 dans le RER, à Cergy-Préfecture, cependant que la guerre sévit en Bosnie. Il se termine sur les Russes qui "exterminent tranquillement les Tchétchènes" en novembre 1999. Dans le RER reliant Cergy à Paris, l'auteur observe alentour, attentive, discrète. Des clowns sur un quai, des chanteurs qui font la manche, un SDF qui souhaite un joyeux No?l aux usagers impassibles, des clients de supermarché. Ce sont des scènes parfois amusantes, cruelles, un nouvel écho du monde retranscrit avec une sensibilité particulière. Des scènes apparemment insignifiantes auxquelles se mêlent des événements qui ont ponctué les années quatre-vingt-dix (la mort de Diana, les massacres en Algérie, la guerre des Balkans).
Toute la force d'Annie Ernaux, sur le fil tragique et dr?le de la modernité, tient dans son écriture toujours sobre, sans fioritures, où il ne reste rien sinon l'essentiel. --Céline Darner --Ce texte fait référence à une édition épuisée ou non disponible de ce titre.